Wednesday, May 30, 2018

Apprendre à partager le Dharma

J’ai commencé à partager sérieusement le Dharma en 1981, après avoir passé cinq ans à l’ashram d’Osho à Poona, en Inde. Ces cinq années furent consacrées à la pratique de la méditation ; le cœur de cette pratique était les deux heures de méditation en présence directe d’Osho, moment que l’on ne peut que décrire comme incroyablement enrichissant et lumineux. Les activités de méditation à l’ashram commençaient à 6 heures du matin et se terminaient vers 22 heures. Il était donc facile de passer au minimum cinq à six heures par jour à méditer. Toutefois, de nombreuses opportunités nous étaient données de pratiquer douze heures et plus par jour. En effet, une fois par mois, il y avait une retraite de méditation de 10 jours avec huit heures de pratique quotidienne. Il y avait également les groupes de pratique de la méditation Vipassana sur 10 jours, à raison de douze heures par jour, si l’on inclut les deux heures en présence du Maître. D’autres groupes, dont celui que l’on appelait Soma, proposaient différentes pratiques ésotériques et duraient jusqu’à 14 jours. Il y avait même des rassemblements, tels que celui qui portait le nom de « retraite intensive d’Éveil », au cours duquel le pratiquant était invité à se poser la question « Qui suis-je ? » jusqu’à seize heures par jour.
 
Cela vous donne un petit aperçu de l’intensité qui régnait dans l’ashram d’Osho, pourvu que l’on fût prêt à pratiquer et à travailler sur soi.
 
Avant de vivre à l’ashram d’Osho, j’avais passé trois années à me faire former directement par un yogi indien traditionnel du nom de Mahindra, qui m’a appris de nombreuses sciences yogiques, dont les Mantras et la méditation Kriya. Par la suite, j’ai continué ma formation dans l’Himalaya. J’ai séjourné auprès de yogis dans des ashrams et dans des grottes au bord du Gange. C’est là qu’en 1975, j’ai rencontré Swami Charanananda, disciple de Nityananda et plus particulièrement de Swami Paramananda Avdhoot, qui vivait à Badrinath, non loin de la frontière tibétaine, à une altitude de près de 4000 m. Le temps passé auprès de ces yogis fut des plus précieux.
 
En avril 1981, je me suis rendu à Tokyo, où j’ai commencé à partager le Dharma en animant des stages et des retraites intensives de méditation. On pourrait dire que c’est là que j’ai commencé à discerner ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas.
 
Ce qui fonctionne le plus efficacement est de pratiquer la méditation en groupe, de donner aux gens l’opportunité de faire une expérience directe.
 
Il était en revanche assez peu efficace de proposer aux participants des séances de questions/réponses. On pourrait se dire qu’il est important de créer un espace permettant aux gens d’ouvrir leur cœur, mais je me suis rendu compte que nombreux étaient ceux qui ne savaient ou même n’osaient pas poser des questions pertinentes pour eux.
 
Leurs questions existentielles auraient dû ressembler à : « Je suis malheureux et déprimé. Pourquoi est-ce que je souffre tant ? » Au lieu de cela, ils posaient des questions intellectuelles superficielles qui, si l’on tentait d’y répondre, ne leur apportaient aucun soulagement. J’ai bientôt appris à ignorer de nombreuses questions intellectuelles et soit à aborder les dynamiques et les racines de la souffrance (il est presque impossible de se tromper quand on choisit ce thème), soit à exhorter les gens à poser une question authentique exprimant leur vulnérabilité.
 
Ce qui fonctionne également bien est de parler de mes expériences directes en méditation. C’est efficace pour plusieurs raisons. D’abord, je partage directement mon vécu, sans citer aucun livre, ce qui semble très inspirant. Ensuite, il y a un autre facteur que j’ai commencé à prendre en compte au fil du temps : quand je parle de mes expériences de méditation, c’est comme si l’atmosphère de la salle changeait. Parler de Samâdhi crée la senteur propre à cet état. Au départ, cela m’a surpris et j’ai ensuite remarqué que quand je partage mon expérience directe, certains participants en ont un ressenti. Cela me paraît être un moyen précieux de partager le Dharma.
 
Avec le recul, après 32 années d’enseignement, je peux affirmer avec certitude que mon fonctionnement a énormément évolué au sens où la fluidité de ma présentation s’est fortement amplifiée. Un jour, Julia, une de mes élèves, m’a dit quelque chose que j’ai pris comme un compliment : « Tu sais, les gens reviennent non pas parce que tu es spirituel, mais parce que tu es drôle ! » Peut-être ai-je évolué : d’enseignant spirituel, au sens premier du terme, je serais devenu humoriste spirituel, au sens second du terme. Ce serait une bonne chose.
 
Un autre aspect fondamental dans le partage du Dharma est d’être authentique et vulnérable. J’ai vu de nombreux enseignants spirituels succomber à la tentation d’apparaître plus élevés qu’ils ne le sont vraiment. Pour moi, c’est un premier pas dans la mauvaise direction. Je considère qu’il est capital d’informer les gens que je ne suis pas Superman, que je suis tout à fait capable de faire beaucoup d’erreurs et que j’ai encore beaucoup à apprendre. Et même, grâce à la pratique de la méditation, j’ai enfin compris à quel point je suis ignorant. Je m’autorise donc à signaler aux gens que je suis très peu éclairé, que j’ai encore beaucoup de travail à faire et que, quand je rentre chez moi, après les enseignements, je pratique, j’invoque et je prie, tout comme eux.
 
Ceci étant dit, je m’autorise ensuite à partager avec eux mon aspiration à la libération. Je leur indique que comme eux, je suis en quête. Je leur offre mon amitié. J’affirme haut et fort ne rien maîtriser et avoir encore beaucoup à apprendre. Je suis moi-même, dans toute mon humanité, sans prétention particulière. Cela semble prépondérant pour un enseignant du Dharma, mais je constate que beaucoup font des erreurs à ce niveau-là. Très souvent, je rappelle aux gens qu’ils peuvent faire appel à leur intuition pour résoudre leurs problèmes et quand j’ignore la réponse à leur question, je le leur dis clairement.
 
Ce qui me réussit est d’être moi-même.
 
J’ajoute que récemment, j’ai commencé à moins parler du Dharma et à passer plus de temps à pratiquer la méditation avec le groupe. Cela crée de longues séances de méditation, dont les résultats sont tangiblement encourageants, les participants entrant dans des états de méditation plus profonds et se sentant très élevés.
 
C’est pour moi un grand privilège d’avoir appris l’une des méthodes méditatives les plus puissantes à l’ashram d’Osho, à Poona. J’appelle cela le Cercle de transmission de mantras. Chanter des mantras est un outil de transformation extrêmement puissant et cette technique amplifie l’énergie des mantras. La paix profonde et la beauté qui se lisent sur les traits des visages sont merveilleuses à contempler.
 
Dans notre for intérieur, nous aspirons à revenir dans la Paix au-delà de tout entendement. Notre souhait est de renouer le contact avec ce qui est Beauté éternelle.
 
Une chose est merveilleuse : cela est possible pour chacun d’entre nous.

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